Succession : assiette du droit de retour légal

Succession : assiette du droit de retour légal

Les biens reçus de son ascendant par le défunt en règlement d'une créance de salaire différé échappent au droit de retour légal des collatéraux privilégiés.

Par un acte du 8 novembre 1986, il a été procédé au partage de la succession de Mme Y. entre ses trois enfants, Mmes U., F. et K. Celle-ci a reçu des biens immobiliers, dont une partie en règlement d'une créance de salaire différé. Par la suite, elle est décédée en laissant pour lui succéder son époux, M. K.
Lors du partage de cette succession, un litige est né entre le conjoint survivant et les soeurs de la défunte quant à l'assiette du droit de retour légal.

La cour d’appel de Limoges a dit que l'ensemble des biens attribués à Mme K. par l'acte de partage du 8 novembre 1986, présents en nature au jour de l'ouverture de sa succession, constitue l'assiette du droit de retour légal de Mmes U. et F.
Elle a relevé que cet acte a attribué à Mme K. des parcelles à concurrence des trois-cinquièmes au titre de sa créance de salaire différé et des deux-cinquièmes au titre de ses droits dans l'actif net de succession de sa mère.
Elle a retenu que, si le droit de retour légal ne peut porter, en valeur, que sur la moitié des biens que Mme K. a recueillis dans l'actif net de succession et non au titre de la créance de salaire différé, il doit pouvoir s'exercer sur l'intégralité des biens qui ont été attribués à celle-ci, sans que le juge ne puisse, en l'état et en l'absence d'accord entre les parties, se prononcer sur l'attribution de lots indivis entre le conjoint survivant et les collatéraux privilégiés.

Dans un arrêt du 1er décembre 2021 (pourvoi n° 20-12.315), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel.
Elle rappelle qu’aux termes de l'article 757-3 du code civil, par dérogation à l'article 757-2, en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus de ses ascendants par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission.
Et selon l'article L. 321-17, alinéa 1er, du code rural et de la pêche maritime, le bénéficiaire d'un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession. Cependant l'exploitant peut, de son vivant, remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donation-partage à laquelle il procéderait.
Il en résulte que les biens reçus de son ascendant par le défunt en règlement d'une créance de salaire différé échappent au droit de retour légal des collatéraux privilégiés.
La Haute juridiction judiciaire estime donc que la cour d'appel a violé les textes susvisés en statuant comme elle l’a fait, alors que le droit de retour légal ne pouvait porter sur les biens attribués à Mme K. en règlement de sa créance de salaire différé.