CEDH : présomption de préjudice d'anxiété

CEDH : présomption de préjudice d'anxiété

La présomption de préjudice d’anxiété et d’imputabilité à l’employeur en cas d’exposition des salariés à l’amiante ne viole pas la CEDH.

Des salariés d'une société spécialisée dans la construction de véhicules industriels ont saisi les juridictions prud’homales afin d’obtenir l’indemnisation de leur préjudice d’anxiété.
Les juridictions nationales ont fait droit à l'ensemble des demandes des salariés.

Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention EDH, la société soutient qu’il lui a été appliqué une présomption irréfragable de responsabilité civile et une charge de la preuve inéquitable.
Sous l’angle de l’article 1 du Protocole n° 1, la requérante se plaint, en substance, de n’avoir pas bénéficié de garanties procédurales suffisantes devant les juridictions prud’homales en raison du régime probatoire propre à ce recours indemnitaire.

Dans son arrêt SAS Iveco France c/ France du 3 mars 2022 (requête n° 50018/17), la Cour européenne des droits de l'Homme note que la présomption est réfragable, l’employeur pouvant la réfuter en démontrant l’existence d’une "cause d’exonération de responsabilité".
Toutefois, elle relève la difficulté d’apporter une telle preuve en pratique. Elle décide donc d'examiner précisément le régime de la présomption litigieuse.

Premièrement, la Cour rappelle que les maladies liées à l’exposition à l’amiante se caractérisent par une période de latence particulièrement longue. Or cette période de latence est à la fois la cause du préjudice d’anxiété, que le législateur français a choisi d’indemniser, et celle des obstacles matériels que peut rencontrer le salarié qui souhaite en obtenir réparation : en effet, l’écoulement du temps désavantage nettement le salarié sur le plan probatoire.
La Cour relève que la présomption contestée vise à y remédier, en conciliant le droit du salarié à une indemnisation effective et le droit de l’employeur à un procès équitable.

Deuxièmement, la Cour constate que le fait générateur de la présomption litigieuse n’a rien d’arbitraire : il s’agit de l’inscription d’un établissement sur la liste ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d’activité au bénéfice des travailleurs exposés à l’amiante, qui est décidée au terme d’une procédure administrative offrant certaines garanties.

Dans les deux cas, elle est fondée sur une exposition significative à l’amiante des salariés d’un établissement donné, évaluée dans le cadre d’une procédure contradictoire et soumise au contrôle du juge.

En l’espèce, la Cour constate que les effets de la présomption contestée, qui n’est pas irréfragable, et la répartition de la charge de la preuve n’étaient pas de nature à priver la requérante de son droit à un procès contradictoire et équitable.

Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.