CEDH : un magistrat sanctionné pour avoir partagé un article sur Facebook

CEDH : un magistrat sanctionné pour avoir partagé un article sur Facebook

En infligeant un blâme à un magistrat pour avoir partagé sur un groupe Facebook un article de presse portant sur l’indépendance du pouvoir judiciaire, les autorités turques ont violé son droit à la liberté d’expression ainsi que son droit à un recours effectif.

Un magistrat turc s'est vu infliger par le Conseil des juges et procureurs une sanction disciplinaire pour avoir partagé en mai 2015, dans un groupe fermé de Facebook, un article intitulé "Réhabilitation du casier judiciaire pour celui qui a clos l’enquête du 17 décembre, licenciement pour celui qui a mené l’enquête", sans faire de commentaire.

Dans un arrêt rendu le 1er mars 2022 (requête n° 16695/19), la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) note que l'article litigieux portait sur l’impartialité et l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de l’exécutif s’agissant des évènements relatifs au déclenchement des poursuites fondées sur des soupçons de corruption intervenues en décembre 2013 et aux réactions du gouvernement contre ces poursuites. Il s'inscrivait donc dans un débat qui présentait un intérêt particulier pour les membres de la profession de magistrat.

La Cour estime que le fait, pour un magistrat, de partager et de soumettre aux commentaires de ses collègues tous les points de vue exprimés dans la presse quant à l’indépendance de la justice fait forcément partie de la liberté de celui-ci de fournir ou de recevoir des informations dans un domaine crucial pour sa vie professionnelle.

En l'espèce, elle observe que le Conseil des juges et procureurs, organe non juridictionnel, n’a procédé de façon adéquate à aucun exercice de mise en balance entre le droit du requérant à la liberté d’expression et son devoir de réserve en tant que magistrat.

La CEDH considère que la sanction disciplinaire infligée au requérant, contre laquelle il n'a bénéficié d’aucun recours judiciaire, ne répondait à aucun besoin social impérieux et, de ce fait, ne constituait pas une mesure "nécessaire dans une société démocratique". Elle conclut à une violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention EDH et de l’article 13 (droit à un recours effectif).