Le gel des avoirs d'une banque interrompt le délai de prescription des intérêts

Le gel des avoirs d'une banque interrompt le délai de prescription des intérêts

Pendant la période au cours de laquelle les avoirs d'une banque sont gelés, le délai de prescription des intérêts ne peut courir au détriment de ses créanciers, car le gel des avoirs empêche toute mesure conservatoire ou d’exécution forcée, mesure qui permettrait d’interrompre le délai de prescription.

Une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU de 2006, transposée en droit européen, a conduit au gel des avoirs d'une banque iranienne désignée par les Nations Unies comme participant à un programme de missiles balistiques en Iran.
En 2007, cette banque a été déclarée responsable d'agissements délictueux et condamnée à payer plusieurs millions d'euros avec intérêts à deux sociétés américaines.
Ces deux sociétés américaines n’ont pas pris de mesures conservatoires ou d’exécution forcée contre la banque iranienne, en raison du gel de ses avoirs.
En 2016, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé le dégel des avoirs de la banque iranienne, qui en a donc retrouvé la disposition.
Des commandements de payer et saisies ont alors été pratiqués par les sociétés américaines contre la banque iranienne.

La cour d'appel de Paris a dit prescrits les intérêts courus sur leurs créances antérieurement au 17 mai 2011.
Elle a retenu que rien n'interdisait aux sociétés américaines d'engager des mesures d'exécution, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, sur un actif ou une créance indisponible, cette indisponibilité n'ayant alors que suspendu l'effet attributif d'une éventuelle saisie-attribution.

Dans un arrêt du 29 avril 2022 (pourvoi n° 18-18.542), la Cour de cassation précise que, lorsque les avoirs d'un débiteur sont gelés et que les conditions dans lesquelles l'autorité française compétente peut autoriser le déblocage de certains d'entre eux ne sont pas réunies ou que celle-ci a refusé de les débloquer, la prescription extinctive est suspendue à l'égard des créanciers pendant toute la durée de la mesure de gel.

La Haute juridiction judiciaire estime donc que la cour d'appel a violé les articles 2234 et 2244 du code civil, 7, paragraphe 1, du règlement n° 423/2007 du 19 avril 2007 (tel que modifié par le règlement n° 441/2007) et 16, paragraphe 1, du règlement n° 961/2010 du 25 octobre 2010 en statuant ainsi, alors que la demande de déblocage des avoirs gelés de la banque iranienne formée par les sociétés américaines avait été rejetée.

La Cour de cassation précise que, pour moduler ou non la majoration du taux d’intérêt légal, le juge peut tenir compte de la situation du débiteur subissant un gel de ses avoirs.
Puisque la banque iranienne n’était pas en mesure d’exécuter sa condamnation, le juge pouvait tenir compte de cette situation pour moduler la majoration des intérêts dus aux deux sociétés américaines.