Temps de trajet : contreparties dérisoires et pouvoir souverain des juges du fond

Temps de trajet : contreparties dérisoires et pouvoir souverain des juges du fond

Les juges du fond ont la capacité de définir le caractère dérisoire ou non de la contrepartie allouée aux salariés pour un temps de trajet qui dépasse celui normalement prévu. En conséquence, ils peuvent aussi ordonner la mise en place d’un système de contrepartie déterminé.

Plusieurs sociétés employeurs exercent une activité de prestation de service et forment une unité économique et sociale (UES). La convention collective qui lui est applicable est celle des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils, sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
Le tribunal de grande instance a été saisi par un syndicat concernant diverses demandes liées aux salaires, aux cotisations employeurs minimales, aux cotisations retraite supplémentaires et aux frais de déplacement des salariés.

La cour d’appel de Paris a considéré que les contreparties en temps de déplacement professionnel dépassaient le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. Elle en déduit que celles-ci méconnaissaient, en raison de leur caractère dérisoire, les dispositions de l’article L. 3121-4 du code du travail. Celui-ci dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. S’il dépasse le temps de trajet normal entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie soit financière, soit sous forme de repos.
Elle a relevé que certains salariés de l’UES ne travaillaient pas dans leur agence de rattachement, mais que cela n’empêche pas le respect par l’employeur des dispositions de l’article précité.
Les juges du fond ont continué en définissant le lieu habituel de travail pour un salarié itinérant. Celui-ci est le lieu où se situe son agence de rattachement, à condition qu’elle soit à une distance raisonnable de son domicile.
Ils en ont conclu qu'en l'espèce les contreparties financières au temps de déplacement professionnel étaient trop déconnectées des temps de trajet normaux. Ils ont aussi ordonné aux sociétés de mettre en place un système de contrepartie déterminé, région par région, en fonction du temps normal de trajet entre le domicile d’un salarié et le lieu habituel de travail tel que défini par celles-ci.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mars 2022 (pourvois n° 20-15.022 et 20-17.230) valide le raisonnement de la cour d’appel et considère comme n’étant pas fondé le moyen qui tend à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond.