#MeToo : l'ancien ministre n'a pas été diffamé

#MeToo : l'ancien ministre n'a pas été diffamé

Quand bien même il contiendrait des erreurs, le récit fait par la victime présumée de son agression sexuelle, sept ans après les faits, ne peut être considéré comme diffamatoire dès lors qu'il repose sur une base factuelle suffisante, et ce dans le contexte du mouvement #MeToo encourageant la prise de parole des femmes.

Dans deux articles publiés sur internet les 18 et 19 octobre 2017, une jeune femme a relaté les faits d'agression sexuelle dont elle prétend avoir été victime de la part d'un ancien ministre, au cours d'une représentation d'art lyrique, alors qu'elle était âgée de vingt ans.
L'intéressé a assigné l'autrice en diffamation sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La cour d'appel de Paris a énoncé que, si les propos litigieux portaient atteinte à l'honneur ou à la considération du demandeur, ils s'inscrivaient dans un débat d'intérêt général consécutif à la libération de la parole des femmes à la suite de l'affaire Adèle Haenel.

Les juges du fond ont relevé, au vu des pièces produites par la jeune défenderesse, que les parties avaient assisté le 25 mars 2010 à une représentation de l'Or du Rhin à l'Opéra et étaient assises à côté l'une de l'autre. Après la soirée, la jeune femme avait confié avoir subi une agression à plusieurs personnes de son entourage, à savoir ses parents, son compagnon et un ami. Son compagnon et sa mère avaient contribué à la dissuader de déposer plainte et une expertise psychiatrique amiable, effectuée huit ans après les faits dénoncés, ne faisait état d'aucune pathologie mentale qui aurait pu affecter la crédibilité des propos.

Les juges ont ajouté que si la jeune femme avait commis des erreurs de fait dans son récit quant à l'opéra représenté et à l'existence d'un entracte, ces erreurs, qu'elle avaient reconnues, n'étaient pas de nature à discréditer l'ensemble de ses propos dès lors qu'elle les exprimait plus de sept ans et demi après les faits et que cette durée faisait également obstacle à la recherche de témoins directs.

Dans un arrêt rendu le 11 mai 2022 (pourvoi n° 21-16.156), la Cour de cassation considère que c'est à bon droit que la cour d'appel en a déduit que les propos incriminés reposaient sur une base factuelle suffisante et que, compte tenu du contexte dans lequel ils avaient été tenus, le bénéfice de la bonne foi devait être reconnu à l'autrice des articles.
Elle rejette donc le pourvoi.