Propos excessifs d'une fonctionnaire à la suite d'un harcèlement moral non-avéré

Propos excessifs d'une fonctionnaire à la suite d'un harcèlement moral non-avéré

Lorsque le harcèlement moral d’une fonctionnaire n’est pas avéré, le fait d’envoyer un courrier à plusieurs élus, avec des propos présentant un caractère excessif et sans lien avec les faits de harcèlement dénoncés, justifie une sanction telle que le blâme.

Une adjointe administrative, au sein d’une commune, a adressé un courrier pour dénoncer des faits de harcèlement moral.
Un premier arrêté du maire lui a infligé un blâme pour manquement à son devoir de réserve.
Un second arrêté a prononcé l’avancement d’échelon de l’intéressée à l’ancienneté maximale.

Le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces deux arrêtés, décision qui a été infirmée par la cour administrative de Lyon.
Cet arrêt a lui-même été annulé par le Conseil d’Etat, qui a renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Lyon.

Celle-ci, dans un arrêt du 29 juin 2022 (n° 21LY04293), rejette la demande d’annulation des arrêtés de l’adjointe.
Elle commence par s’interroger sur la réalité du harcèlement moral, au regard des articles 6 quinquies et 9 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983.
Il résulte de ces articles que l’exercice du droit à dénonciation des faits de harcèlement moral doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment le devoir de réserve.
Pour apprécier ce manquement, le juge doit prendre en compte les agissements de l’administration dont le fonctionnaire s’estime victime et les conditions dans lesquelles les faits ont été dénoncés.
De même, pour apprécier des faits de harcèlement moral, il faut que les agissements soient répétés et excédent les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique.

En l’espèce, l’intéressée fait état de certaines difficultés rencontrées avec des agents ou élus non identifiés, événements qui ont été relatés dans une première lettre dénonçant des agressions verbales, professionnelles et une atteinte à sa vie privée.
Par ailleurs, elle met en avant le fait que les missions qui lui étaient confiées caractérisaient une situation de harcèlement moral, ce à quoi la cour administrative d’appel ajoute qu’il s’agissait de missions temporaires, pouvant prendre fin à tout moment.
La cour relève aussi que la requérante a été mutée, avec son accord et dans l’intérêt du service et que, même si son bureau était encombré au départ et que ses codes informatiques n’ont été actualisés que trois semaines après son arrivée, il n’est pas contesté qu’elle pouvait effectuer des opérations de classement urgentes.
De plus, le maire a demandé des précisions à la fonctionnaire, sur les faits et les collègues impliqués.
Elle reproche, notamment, à certains agents, de ne plus la saluer et de ne plus faire de point avec elle sur son travail, de lui avoir rappelé les règles de la collectivité, de lui reprocher de ne pas savoir faire des additions ou encore de lui demander si elle avait un problème avec un ton autoritaire.
Pour la cour administrative, il s'agit de faits imprécis, insuffisants à établir un excès du pouvoir hiérarchique et non-constitutifs de harcèlement moral.

En ce qui concerne la sanction disciplinaire, la cour relève que le courrier litigieux, de trois pages, avait été envoyé au maire de sa commune, avec en copie 13 élus municipaux, dans lequel l’intéressée faisait part de son incompréhension et sa déception de ne pas laisser participer aux fonctions de secrétariat de bureau de vote.
La fonctionnaire a utilisé des termes violents, tels que : "l’hypocrisie a donc remplacé une fois de plus le courage" et a indiqué que : "pour tout ce qui est décidé depuis 2 ans en matière d'activité professionnelle me concernant, tout se fait en catimini, quand ce n'est pas hors des cadres de la loi, de façon violente et/ou sournoise, dégradante, humiliante, et dans tous les cas irrespectueuse et désormais irresponsable".
Les propos tenus s’écartent de la mesure nécessaire, ne sont pas en lien avec les agissements dénoncés et justifient la sanction qui a été prise à son encontre.