Déclaration de créance : décès du sculpteur, force majeure ?

Déclaration de créance : décès du sculpteur, force majeure ?

La demande de dommages-intérêts, fondée sur la responsabilité délictuelle du sculpteur à raison d’agissements antérieurs au jugement d’ouverture, ne peut se rattacher à l’instance en cours exclusivement fondée sur l’inexécution partielle de la transaction

Après avoir bénéficié d'un plan de redressement arrêté pour une durée de dix ans, un sculpteur a vendu quatorze oeuvres parmi lesquelles quatre bronzes sur lesquels il a fait pratiquer une saisie-contrefaçon. Il a assigné l'acquéreur pour voir valider la saisie et ordonner la restitution des œuvres.
En cours de procédure, les parties ont conclu une transaction qui prévoyait notamment qu'à titre d'indemnité complémentaire, le sculpteur s'engageait à produire une oeuvre exclusive pour l'acquéreur selon le descriptif précisé par le protocole. L'artiste étant décédé peu après, cet engagement n'a pu être honoré.
Après le prononcé de la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire, l'acquéreur a déclaré au passif de la procédure une créance fondée sur la transaction en réclamant des dommages-intérêts au titre du défaut d'exécution de l'oeuvre exclusive puis a assigné le liquidateur pour le voir le débiteur condamné à lui payer des dommages-intérêts.

La cour d'appel de Bordeaux a dit cette demande recevable et fixé à une certaine somme sa créance au passif de la liquidation judiciaire.
Après avoir retenu que le décès de l'artiste ayant empêché l'exécution de l'oeuvre exclusive prévue à l'article 4 de la transaction, était constitutif d'un cas de force majeure excluant l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement contractuel, les juges du fond ont relevé que l'acquéreur demandait à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l'indemnisation des conséquences dommageables des agissements fautifs du sculpteur, antérieurs au protocole transactionnel. Ils ont retenu que l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction ne pouvait être opposée à cette demande par le liquidateur en l'état de l'inexécution de l'article 4 du protocole en raison de la force majeure.

La Cour de cassation invalide cette analyse dans un arrêt du 29 juin 2022 (pourvoi n° 21-10.504).
Elle rappelle que lorsqu'une demande en paiement n'a pas été formée, dans le cadre de l'instance en cours avant l'ouverture de la procédure collective du débiteur, mais seulement après cette ouverture, le créancier ne peut faire constater le principe de sa créance et en faire fixer le montant, autrement qu'en la déclarant et en se soumettant à la procédure de vérification du passif.

En l'espèce, il appartenait à la cour d'appel de relever, au besoin d'office, l'irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts qui, fondée sur la responsabilité délictuelle du sculpteur à raison d'agissements commis antérieurement au jugement d'ouverture, avait été formée pour la première fois par des conclusions déposées au cours de l'instance d'appel, et ne pouvait donc se rattacher à l'instance en cours au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire, cette instance étant, après le décès de l'artiste, exclusivement fondée sur l'inexécution partielle de la transaction.