Refuser de livrer le code de son smartphone peut être un délit

Refuser de livrer le code de son smartphone peut être un délit

La chambre plénière de la Cour de cassation juge que si un téléphone portable équipé d’un moyen de cryptologie est susceptible d’avoir été utilisé pour la préparation ou la commission d’un crime ou d’un délit, son détenteur est tenu de donner aux enquêteurs le code de déverrouillage de l’écran d’accueil.

Placé en garde à vue à l'occasion d'une enquête pour infractions à la législation sur les stupéfiants, un homme a refusé de communiquer aux enquêteurs les mots de passe des deux smartphones découverts en sa possession lors de son interpellation.
Il a été poursuivi pour détention et offre ou cession de cannabis ainsi que pour refus de remettre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, en s'opposant à la communication du code de déverrouillage d'un téléphone susceptible d'avoir été utilisé pour les besoins d'un trafic de stupéfiants.
Le tribunal correctionnel l'a condamné pour infractions à la législation sur les stupéfiants, mais relaxé du délit de refus de remettre ou de mettre en oeuvre la convention secrète d'un moyen de cryptologie. La cour d'appel de Douai a confirmé cette relaxe.

Le 13 octobre 2020 (pourvoi n° 19-85.984), la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt. Saisie sur renvoi, la cour d'appel de Douai a confirmé la décision de relaxe.
Les juges du fond ont retenu que la clé de déverrouillage de l'écran d'accueil d'un smartphone n'est pas une convention secrète de déchiffrement, car elle n'intervient pas à l'occasion de l'émission d'un message et ne vise pas à rendre incompréhensibles ou compréhensibles des données, au sens de l'article 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, mais tend seulement à permettre d'accéder aux données et aux applications d'un téléphone, lesquelles peuvent être ou non cryptées.
Le procureur général près la cour d'appel de Douai s'est pourvu en cassation et la chambre criminelle a ordonné le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation.

Dans un arrêt rendu le 7 novembre 2022 (pourvoi n° 21-83.146), l'assemblée plénière censure le raisonnement de la cour d'appel, confirmant la jurisprudence de la chambre criminelle.
Elle précise que pour l'application de l'article 434-15-2 du code pénal et au sens de l'article 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, une convention de déchiffrement s'entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d'une donnée transformée par un moyen de cryptologie, que ce soit à l'occasion de son stockage ou de sa transmission. Il en résulte que le code de déverrouillage d'un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement si ce téléphone est équipé d'un moyen de cryptologie.
Dès lors, il incombe au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d'un tel moyen et si son code de déverouillage permet de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu'il contient ou auxquelles il donne accès.

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