Dérogation "espèces protégées" : précisions sur la notion de risque

Dérogation "espèces protégées" : précisions sur la notion de risque

Le Conseil d'Etat a précisé les conditions dans lesquelles une société souhaitant exploiter un parc d'éoliennes doit, au préalable, déposer une demande de dérogations concernant la présence d'espèces protégées.

Par un arrêté du 9 octobre 2014, le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé une société à exploiter un parc composé de 7 éoliennes sur le territoire de la commune de Bréhain-la-Ville. A la demande, notamment, d'une association de défense de l'environnement, le juge administratif a annulé cet arrêté.
Le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 14 décembre 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté les appels de la société contre ce jugement.
Par un arrêt du 25 novembre 2021, statuant sur renvoi après cassation, la cour administrative d'appel de Nancy a sursis à statuer sur la requête de la société jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois pour notifier une autorisation environnementale modificative. Les juges d'appel ont également suspendu l'exécution de l'arrêté litigieux jusqu'à l'édiction de cette autorisation environnementale modificative.

Le Conseil d'Etat, saisi par l'association de défense de l'environnement, valide, dans un arrêt rendu le 17 février 2023 (requête n° 460798), l'arrêt d'appel.

La Haute juridiction administrative rappelle que la destruction ou la perturbation des espèces animales protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitants, sont interdites.
Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant, en premier lieu, à l'absence de solution alternative satisfaisante, en deuxième lieu, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, en troisième lieu, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

Le Conseil d'Etat indique que le système de protection des espèces impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.
Le pétitionnaire doit donc obtenir une dérogation "espèces protégées" si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation "espèces protégées".

En l'espèce, s'agissant de la grue cendrée, aucune zone de nidification n'avait été identifiée et le risque estimé de modification des trajectoires de migration lié au projet était faible à modéré et le risque de collision non significatif, au regard de l'altitude de vol de l'espèce et des conditions d'implantation des éoliennes.
S'agissant du milan royal, aucune zone de nidification n'avait été identifiée sur le site, et l'impact sur l'espèce n'était pas démontré.

Par suite, en jugeant que le projet n'impliquait pas d'atteinte suffisamment caractérisée à la grue cendrée et au milan royal, et en déduisant qu'un tel risque ne nécessitait pas de former préalablement une demande de dérogation au titre des dispositions du 4° du I de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la cour d'appel n'a ni commis d'erreur de droit, ni donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique.
Le Conseil d'Etat rejette le pourvoi.