Le régime de la garantie décennale appliqué au domaine public

Le régime de la garantie décennale appliqué au domaine public

Lors d'une question adressée au ministère de la Justice, ce dernier précise que la garantie décennale appliquée au domaine public n'est pas une garantie d'ordre public. Une garantie contractuelle peut donc la substituer. La commune en cause aura tout intérêt à ajuster l'accord ou à invoquer la garantie décennale de son cocontractant, personne privée, laquelle est d'ordre public.

Le sénateur Jean Louis Masson adresse une question au gouvernement (question n° 11294) : la commune qui prévoit d'accepter l'offre – par la signature d'un protocole transactionnel – de reconstruction d'un mur séparant une école municipale d'une parcelle privée, proposée par le propriétaire de cette dernière, pourrait-elle bénéficier du régime lié à la garantie décennale ?

Dans une réponse du 22 juillet 2021, le ministère de la Justice précise que cela dépend du domaine considéré : le litige relève-t-il du juge administratif ou du juge judiciaire ? Plus précisément, le mur relève-t-il du domaine privé ou du domaine public de la commune ?

Dans le premier cas, l'article 1792 du code civil, qui prévoit la garantie décennale, s'applique systématiquement puisqu'elle est une garantie légale d'ordre public – toute convention établissant un régime contraire sera inopposable (article 1792-5 du même code). Ainsi, la conclusion d'un protocole transactionnel ne privera pas le maître d'ouvrage de se prévaloir de cette garantie.

Dans le second cas, le régime applicable aux constructions qui relèvent du droit administratif a été établi par la jurisprudence. Ainsi, le Conseil d'Etat a prévu, dans son arrêt du 31 mai 2010 (requête n° 317006), à l'image du droit civil, l'existence de cette même garantie décennale. Or, selon l'arrêt Commune de Nancy (requête n° 160996), elle n'est pas d'ordre public si le litige relève du droit administratif. En ce sens, la garantie contractuelle qui viendrait substituer la garantie décennale est tout à fait valable. En l'espèce, si la commune conclut un protocole transactionnel avec son cocontractant privé, elle aura tout intérêt à invoquer la garantie décennale de son cocontractant, ce que le juge administratif appréciera.

Or, selon l'arrêt du Conseil d'Etat Sté Tunzini-Nessi Entreprises (requête n° 58084) si la commune n'a pas la qualité de maître d'ouvrage, "le protocole transactionnel devra organiser une cession de la créance en garantie décennale à son profit". Les créances en question peuvent d'ailleurs être, selon le ministre de la Justice, futures, éventuelles, à terme ou conditionnelles.

Enfin, le ministère rappelle la jurisprudence Binoux du Conseil d'Etat (requête n° 58201) qui pourrait offrir la possibilité à la commune de prévoir, au sein de l'accord, un mécanisme de subrogation conventionnelle à son profit.