Les clicwalkers ne sont pas des salariés

Les clicwalkers ne sont pas des salariés

La chambre criminelle de la Cour de cassation juge que les particuliers qui, via une application téléchargée sur leur téléphone, effectuent sur la base du volontariat pour le compte d'une société des missions telles que fournir des informations sur leurs habitudes de consommation ou donner leur avis sur des produits, n'exécutent pas une prestation de travail sous un lien de subordination.

Une société a pour activité de collecter puis de traiter, pour le compte de marques ou d'enseignes, des données commerciales dites de "terrain" recueillies par des particuliers appelés "clicwalkers" qui, à partir d'une application gratuite téléchargée sur leur téléphone, effectuent pour le compte de cette société des missions.
Celles-ci peuvent consister à fournir des informations sur leurs habitudes de consommation, à émettre un avis ou prendre des photographies sur les supports de communication des clients ou enfin à vérifier dans les magasins la présence, le prix et la visibilité des produits, les supports commerciaux ou la qualité des prestations de service des entreprises clientes de la société.
La participation des "clicwalkers" aux missions s'effectue sur la base du volontariat. Ils perçoivent une gratification en points-cadeaux ou en numéraire versée après vérification par la société du respect des modalités de la mission.

Au terme d'une enquête préliminaire ayant conclu que ces "clicwalkers" devaient être assimilés à des salariés, la société ainsi que sa présidente et directrice générale de celle-ci ont été poursuivies du chef de travail dissimulé.

Le procureur de la République a formé appel de la décision du tribunal correctionnel ayant relaxé les prévenues au motif que les "clicwalkers" ne pouvaient être considérés comme des salariés.

Pour infirmer le jugement et caractériser notamment l'existence d'un lien de subordination entre la société prévenue et les "clicwalkers", la cour d'appel de Douai a énoncé que les missions qui leur étaient confiées ainsi que les consignes et directives pour les exécuter pouvaient être très précises. Les juges du fond ont ajouté que la société contrôlait la bonne exécution de la prestation, afin de vérifier qu'elle correspondait à la commande de son client. Ils ont également relevé que ce contrôle s'accompagnait d'un pouvoir de sanction puisque si la mission était rejetée, celui qui l'avait exécutée ne serait pas rémunéré et ses frais ne seraient pas remboursés.
Enfin, les juges ont constaté que même si les conditions générales de la plateforme ne le prévoyaient plus depuis 2014, la mauvaise exécution répétée des missions avait entraîné la clôture du compte de certains utilisateurs en 2015.
La cour d'appel en a déduit que les utilisateurs de la plateforme exécutaient une prestation de travail sous l'autorité d'un employeur qui avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné et qu'ainsi la qualification de contrat de travail devait être retenue.

La Cour de cassation invalide cette analyse.
Dans un arrêt du 5 avril 2022 (pourvoi n° 20-81.775), elle indique en effet que "n'exécute pas une prestation de travail sous un lien de subordination le particulier qui accepte, par l'intermédiaire d'une plateforme numérique gérée par une société, d'exécuter des missions telles que décrites précédemment dès lors qu'il est libre d'abandonner en cours d'exécution les missions proposées, qu'il ne reçoit aucune instruction ou consigne lors de leur exécution, que la société ne dispose pas, pendant l'exécution de la mission, du pouvoir de contrôler l'exécution de ses directives et d'en sanctionner les manquements, quand bien même la correcte exécution des missions est l'objet d'une vérification par la société qui peut refuser de verser la rémunération prévue et le remboursement des frais engagés, en cas d'exécution non conforme."
La chambre criminelle casse donc l'arrêt d'appel au visa des articles L. 8221-5 et L. 8224-1 du code du travail.