CEDH : violation de la liberté d'expression d'un militant

CEDH : violation de la liberté d'expression d'un militant

Violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme pour les juridictions nationales qui ont sanctionné un militant sans tenir compte de l'objectif de son action, ou mis en balance sa liberté d’expression avec la préservation de l’ordre public.

Un ressortissant roumain, activiste, s’est opposé à un projet de d’extraction d’or et d’argent, qui aurait nécessité l’emploi de cyanure, dans une zone située au nord-ouest de la Roumanie.
Il s’est, avec trois autres militants, menotté à l’une des barrières du bâtiment principal du gouvernement. Un gendarme leur a demandé de quitter les lieux, ce qu’ils ont refusé de faire. La scène a été filmée.
Après avoir scié les barreaux, la police a emmené les militants dans leurs locaux. Lors de leurs dépositions, ils ont expliqué que leur action avait des objectifs de sensibilisation et d'action concrète au sujet du projet minier.
Le ressortissant roumain s’est vu infligé une amende de 500 lei roumains pour avoir troublé l’ordre public et la paix. Il a contesté cette amende au motif qu’il y avait eu une mauvaise qualification des actes.

Le tribunal d’arrondissement de Bucarest a rejeté son recours.
Il a considéré que le procès-verbal était légal, tout comme la qualification des faits.
Un jugement d’appel, définitif, a confirmé le jugement rendu en première instance. Il a ajouté qu’admettre une requalification reviendrait à laisser impunis d’autres cas de troubles à la paix publique.

Le requérant invoque les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme (Convention EDH).

La Cour européenne des droits de l’Homme (Cour EDH), dans une décision du 3 mai 2022 (requête n° 18079/15), commence par rappeler ce que recouvre la liberté d’expression et son lien avec la liberté de réunion.
En l’espèce, elle considère que l’amende a constitué une ingérence dans la liberté d’expression du requérant, car elle a sanctionné autant le comportement que la tentative de diffusion du message.
Cependant, la Cour rappelle que tout rassemblement public n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable peut être déclaré illégal et, qu'en l'espèce, l'amende était justifiée par la protection de l'ordre public.

La Cour EDH relève que le requérant, tout comme les autres militants, n’a pas eu le temps d’exposer toutes ses motivations, qu’elle a considéré comme portant sur une question d’intérêt général.
La Cour reproche aux juridictions internes de ne pas avoir mis en balance le droit de la liberté d’expression avec la nécessité de préserver l’ordre public.
Elle conclut que l’ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression n’est pas nécessaire dans une société démocratique et qu’il y a donc violation de l’article 10 de la Convention EDH, interprété à la lumière de l’article 11 de la même convention.