CJUE : compétence judiciaire en matière familiale

CJUE : compétence judiciaire en matière familiale

La Cour de justice de l'Union européenne apporte des précisions quant à la compétence judiciaire en matière de divorce, de responsabilité parentale et d’obligations alimentaires et spécifie le critère de "résidence habituelle" qui détermine la juridiction compétente en matière civile.

Dans un arrêt rendu le 1er août 2022 (affaire C-501/20), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a été amenée à préciser les éléments pertinents aux fins de la détermination de la résidence habituelle des parties figurant comme critère de compétence dans les règlements n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 et n° 4/2009 du 18 décembre 2008.
Elle a également indiqué les conditions dans lesquelles une juridiction saisie peut reconnaître sa compétence pour statuer en matière de divorce, de responsabilité parentale et d’obligations alimentaires lorsqu’aucune juridiction d’un Etat membre n’est normalement compétente.

Ainsi, la notion de "résidence habituelle" des époux, figurant dans les chefs de compétence alternatifs prévus à l’article 3, § 1, sous a), du règlement n° 2201/2003, doit être interprétée de manière autonome et uniforme. Elle se caractérise non seulement par la volonté de la personne concernée de fixer le centre habituel de sa vie dans un lieu déterminé, mais aussi par une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’Etat membre concerné.
La même définition vaut également pour la notion de "résidence habituelle" en matière d’obligations alimentaires, au sens des critères de compétence de l’article 3, sous a) et b), du règlement n° 4/2009, celle-ci devant être guidée par les mêmes principes et caractérisée par les mêmes éléments que dans le protocole de La Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires.

Quant à la résidence habituelle de l’enfant, au sens de l’article 8, § 1, du règlement n° 2201/2003 en matière de responsabilité parentale, celle-ci constitue également une notion autonome. Elle exige, à tout le moins, une présence physique dans un Etat membre donné, n’ayant nullement un caractère temporaire ou occasionnel et traduisant une certaine intégration de cet enfant dans un environnement social et familial.

Cette interprétation pourrait conduire à ce que, au vu des circonstances de l’espèce, aucune juridiction d’un Etat membre ne soit compétente, en vertu des règles de compétence générales du règlement n° 2201/2003, pour statuer sur une demande de dissolution du lien matrimonial et en matière de responsabilité parentale. Dans un tel cas, les articles 7 et 14 de ce règlement seraient susceptibles d’autoriser une juridiction saisie d’appliquer, respectivement pour l’une et l’autre matière, les règles de compétence de droit interne, avec toutefois une portée différente.

En matière matrimoniale, une telle compétence résiduelle de la juridiction de l’Etat membre saisie est exclue lorsque le défendeur est un ressortissant d’un autre Etat membre, sans pour autant s’opposer à la compétence des juridictions de ce dernier Etat membre en vertu de son droit interne. En revanche, en matière de responsabilité parentale, le fait que le défendeur soit ressortissant d’un autre Etat membre ne constitue pas un obstacle à ce que la juridiction de l’Etat membre saisie reconnaisse sa compétence.

Un autre cadre est prévu en matière d’obligations alimentaires, lorsque l’ensemble des parties au litige ne résident pas habituellement dans un Etat membre.
Dans ce cas, l’article 7 du règlement n° 4/2009 pose quatre conditions cumulatives afin qu’une juridiction d’un Etat membre puisse exceptionnellement constater sa compétence en vertu de l’état de nécessité :
- la juridiction saisie doit vérifier qu’aucune juridiction d’un Etat membre n’est compétente en vertu des articles 3 à 6 du règlement n° 4/2009 ;
- le litige en cause doit posséder un lien étroit avec un Etat tiers, ce qui est le cas lorsque l’ensemble des parties y résident habituellement ;
- la condition que la procédure ne puisse raisonnablement être introduite ou conduite ou se révèle impossible dans l’Etat tiers nécessite que, au vu du cas d’espèce, l’accès à la justice dans l’Etat tiers soit, en droit ou en fait, entravé, notamment par des conditions procédurales discriminatoires ou contraires au procès équitable ;
- le litige doit présenter un lien suffisant avec l’Etat membre de la juridiction saisie, celui-ci pouvant être fondé, notamment, sur la nationalité de l’une des parties.