Les assurés induits en erreur

Les assurés induits en erreur

En n'attirant pas spécialement l'attention des assurés sur la nécessité de souscrire une assurance facultative complémentaire, tout en ayant admis que les risques que les assurés lui avaient demandé de faire garantir excédaient ceux effectivement couverts, le courtier a induit les assurés en erreur et manqué à son obligation de conseil .

Le gérant d'une société organisatrice d'un spectacle de cascades et de rodéo en automobiles et motocyclettes a souscrit, par l'intermédiaire d'un courtier, une "police d'assurance de la responsabilité civile pour les concentrations et manifestations (véhicules terrestres à moteur)", temporaire, garantissant, pour les sinistres survenant le jour de l'événement.
Dans la matinée du jour du spectacle, quatre bénévoles qui installaient un mât métallique, faisant partie du décor du spectacle, situé à moins de cinq mètres d'une ligne à haute tension, ont été victimes d'une électrocution. L'un des bénévoles est décédé et les trois autres ont été blessés.

Les assurés ont été déclarés coupables des faits d'homicide involontaire, dont le jugement a été confirmé en appel. Statuant sur les intérêts civils, la cour d'appel a indemnisé les victimes et précisé que l'assureur n'était pas tenu à garantie.

Estimant que ce défaut de garantie relevait d'un manquement de l'assureur et du courtier à leur obligation de conseil, les assurés ont assigné ces derniers devant un tribunal de grande instance pour obtenir leur condamnation in solidum à réparer leur préjudice constitué des condamnations civiles mises à leur charge au profit des victimes de l'accident.

La cour d'appel de Rennes les a déboutés de toutes leurs demandes.
Les juges du fond ont notamment relevé que, selon le courtier, l'assurance convenait parfaitement aux risques que ses clients lui avaient demandé de faire garantir, qui ne se limitaient pas aux dommages occasionnés par des véhicules.
Ils ont relevé, au titre du devoir de conseil incombant au seul courtier, que ce dernier avait proposé une assurance en adéquation avec le risque déclaré par les assurés, lesquels ne rapportaient pas la preuve de lui avoir demandé de garantir, en plus de la garantie obligatoire, les risques inhérents à l'installation, par des bénévoles, des équipements et matériels nécessaires à la manifestation.
La cour d'appel a enfin estimé que le courtier n'avait aucune obligation d'attirer spécialement l'attention de ses clients, ou de les mettre en garde, sur les limites de la police souscrite, conforme à leur demande et adaptée aux besoins qu'il s'agissait de garantir.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation par un arrêt du 15 septembre 2022 (pourvoi n° 21-15.528) : en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le courtier avait admis que les risques que les assurés lui avaient demandé de faire garantir ne se limitaient pas aux risques automobiles et qu'il soutenait, à tort, que le produit d'assurance conseillé couvrait le risque survenu, ce dont il résultait qu'il avait induit les assurés en erreur et qu'il avait ainsi manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas spécialement leur attention sur la nécessité de souscrire une assurance facultative complémentaire.