CEDH : suppression de la particule nobiliaire d'un nom de famille

CEDH : suppression de la particule nobiliaire d'un nom de famille

Une interdiction injustifiée, sur la base d’une application incohérente de la loi de 1919 sur l’abolition de la noblesse, du préfixe « von » dans le nom de famille des requérants, après une longue période où son usage avait été admis viole la Convention européenne des droits de l'Homme.

Les requérants ont reçu leur nom de famille, "von Künsberg Sarre", par descendance de leurs pères. Ils portent donc le nom de famille depuis leur naissance (en 1975, 2001 et 1969).

En 2017, le consulat général d'Autriche en Allemagne a rejeté la demande de l'un des demandeurs, alors encore mineur, de se voir délivrer une carte d'identité portant son nom de famille enregistré "von Künsberg Sarre", faisant référence à la loi sur l'abolition de la noblesse de 1919 et à ses dispositions d'application (cette législation qui visait à empêcher les privilèges de naissance par le biais de noms de famille historiquement associés à la noblesse).

En 2018, les autorités municipales ont rendu, d'office, des décisions modifiant le nom de famille des trois requérants restants de "von Künsberg Sarre" à "Künsberg Sarre" en application de la loi sur l'abolition de la noblesse.

Dans un arrêt Künsberg Sarre c/ Autriche du 17 janvier 2023 (requête n° 19475/20), la Cour européenne des droits de l'Homme rappelle que, s'il est vrai que les Etats jouissent d'une large marge d'appréciation en matière de réglementation des noms, ils ne peuvent méconnaître son importance dans la vie des particuliers : les noms sont éléments centraux de l'auto-identification et de l'auto-définition.
Imposer une restriction au droit de porter ou de changer un nom sans motifs justifiés et pertinents n'est pas compatible avec l'objectif de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui est de protéger l'autodétermination et l'épanouissement des individus.

La CEDH en conclut que, d'une part, le changement initié par les autorités des patronymes d'origine des requérants après de longues périodes d'usage préalablement accepté et, d'autre part, le refus de délivrer une carte d'identité portant ce patronyme n'étaient pas proportionnées au but poursuivi par les autorités.
Dès lors, en négligeant l'intérêt des requérants à conserver un nom de famille auquel ils s'identifiaient et qu'ils avaient porté pendant de (très) longues périodes, les autorités et juridictions internes n'ont pas ménagé un juste équilibre avec le droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale.

Partant, il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.