Le rituel du selfie dans l'ascenseur (avec chien)

Le rituel du selfie dans l'ascenseur (avec chien)

La cour d'appel de Paris déboute une influenceuse de son action en contrefaçon de droits d'auteur et parasitisme à l'encontre d'une société qui a utilisé pour sa publicité des clichés ressemblant à ceux publiés sur son blog.

L'éditrice d'un blog sur lequel elle diffuse notamment des selfies réalisés dans une cage d'ascenseur avec son chien en laisse lui permettant de montrer ses tenues, reprochait à une société de vente en boutique et sur internet d'articles de prêt-à-porter, d'avoir lancé une campagne publicitaire constituée d'un des visuels similaires à ceux publiés sur son blog.
Elle a fait assigner la société devant le tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de la contrefaçon de droits d'auteur et de la concurrence déloyale et parasitaire.
Le tribunal l'a déboutée de ses demandes fondées sur le droit d'auteur mais condamné la société à réparer son préjudice en raison des actes de parasitisme relevés.

Dans un arrêt rendu le 12 mai 2023 (n° 21/16270), la cour d’appel de Paris relève que la photographie invoquée par l'influenceuse au titre de la contrefaçon de droit d'auteur n'est pas présente sur son profil public. Il fait partie d'une "story" et n'est donc accessible que pendant 24 heures et aucun élément ne permet d'établir combien de personnes y ont eu accès.

S'agissant de l'originalité des clichés, les juges du fond retiennent notamment que ceux-ci montrent que les choix revendiqués par la requérante, même pris en combinaison (décor de cage d'ascenseur métallisé, technique du selfie dans le miroir de l'ascenseur, présence d'un chien, posture avec le téléphone d'une main, la laisse du chien dans l'autre, et le regard baissé vers le téléphone, format vertical pour une photographie en pied) sont des choix déjà retenus par des influenceurs avant elle.
Pour les juges, l'influenceuse ne peut s'approprier ce "style" qu'elle explicite comme une "démarche [qui] s'inscrit dans une volonté de partager un style de vie moderne et par là également féministe, montrant une jeune femme active et dynamique, se prenant en selfie en se rendant au travail avec son chien". Elle ne peut pas plus fonder l'originalité du cliché en cause par le fait que certains de ses abonnés ont cru la reconnaître dans la publicité en cause. Elle échoue donc à établir les choix arbitraires qu'elle a fait quant à la mise en scène, les jeux de contraste, les effets de lumière, le positionnement des éléments ou le travail de postproduction/retouche et partant l'originalité du cliché qu'elle invoque au titre du droit d'auteur.
La cour d'appel déboute donc l'influenceuse de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon du droit d'auteur.

Concernant la concurrence déloyale et le parasitisme, la cour d'appel considère que la reprise dans le cliché de la publicité litigieuse des éléments cités plus haut ne fait que s'inscrire dans la tendance du moment et ne caractérise donc pas un comportement déloyal de la part de la société.
La circonstance que des abonnés du compte Instagram de l'influenceuse ont cru la reconnaître sur la publicité, le mannequin apparaissant sur ce cliché qui lui ressemblerait, ne constitue pas non plus un acte de concurrence déloyale, le risque de confusion invoqué portant alors sur la personne de la requérante et non sur les services qu'elle offre dans le cadre de son activité d'influenceuse.
Enfin, la notoriété dont fait état la requérante en tant qu'influenceuse sur Instagram apparaissant relative, elle doit être considérée comme une "micro-influenceuse" bénéficiant d'une audience limitée.
Les juges concluent qu'aucune volonté de créer une confusion dans l'esprit du consommateur de la part de la société intimée n'est établie.