Vol commis chez un client par le préposé d'un prestataire de service

Vol commis chez un client par le préposé d'un prestataire de service

Le créancier d'une obligation contractuelle peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation des règles de la responsabilité délictuelle pour demander la réparation du préjudice résultant d'un fait distinct, commis par un salarié de ce dernier.

Un cabinet de conseil a conclu avec une société de sécurité privée un contrat de prestation de services ayant pour objet l'entretien de ses locaux et diverses tâches de manutention et de maintenance.
Un vol de cartons contenant des tickets-restaurant destinés au personnel a été commis dans les locaux de l'entreprise. Un salarié de la société de sécurité a été déclaré coupable de ce délit par un jugement qui l'a condamné au paiement au client de la somme de 242.568 € en réparation de son préjudice.
Les tentatives de recouvrement de cette somme restant vaines et soutenant que la responsabilité de la société de sécurité était engagée, le cabinet de conseil l'a assignée en réparation du préjudice subi.

La cour d'appel de Versailles a rejeté ces demandes.
Les juges du fond ont énoncé que lorsque sont réunies les conditions qui donnent lieu à la responsabilité de nature contractuelle, la victime ne peut se prévaloir, quand bien même elle y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle.
Ils ont retenu en l'espèce que la cliente recherchait la responsabilité du prestataire avec lequel elle était liée par un contrat définissant les conditions d'exécution des prestations de services confiées à cette société sur son site, et que le vol dont elle avait été victime a été commis par un salarié de ce prestataire qu'il avait détaché dans ses locaux en exécution de ce contrat, en qualité de factotum.
Les juges en ont déduit que la société cliente ne pouvait se prévaloir des règles de la responsabilité délictuelle.

La Cour de cassation invalide cette analyse par un arrêt du 24 mai 2023 (pourvoi n° 21-25.081) : les constatations de la cour d'appel faisaient ressortir que le préjudice n'était pas imputable à l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat, mais exclusivement aux agissements délictueux distincts du salarié du prestataire, qui, sur les lieux et à l'occasion de ses fonctions, avait volé des biens dont il devait assurer la manutention, de sorte que la responsabilité délictuelle de la société de sécurité du fait de son préposé était engagée.
L'arrêt est donc cassé au visa des articles 1384, alinéa 5, devenu 1242, alinéa 5, du code civil et l'article 1147 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.