Le même juge peut-il statuer sur la demande de mise en liberté d'un prévenu puis sur son appel au fond ?

Le même juge peut-il statuer sur la demande de mise en liberté d'un prévenu puis sur son appel au fond ?

Les mêmes juges peuvent être appelés à statuer sur la demande de mise en liberté d'un prévenu qui a relevé appel d'un jugement qui l'a placé ou maintenu en détention, avant de le juger en appel.

Le procureur de la République a poursuivi un individu des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants selon la procédure de comparution immédiate, en énonçant que les faits avaient été commis le 25 février 2022.
Le tribunal correctionnel, considérant que c'est par une simple erreur matérielle que l'acte de poursuite avait visé la date du 25 février, les faits ayant en réalité été commis entre le 24 et le 25 février 2022, a rectifié en conséquence la date des faits, reconnu le prévenu coupable, et l'a condamné à six ans d'emprisonnement, outre une peine complémentaire de confiscation.
Le prévenu a déposé une demande de mise en liberté, qui a été rejetée par arrêt du 1er juin 2022.

Il a ensuite sollicité le renvoi afin d'obtenir le remplacement des magistrats de la cour, pour défaut d'impartialité, en faisant valoir que deux des juges ayant eu à connaître de sa demande de mise en liberté avaient, au soutien de la décision de rejet de cette demande, énoncé que le tribunal ne méconnaissait pas les limites de sa saisine en rectifiant une simple erreur matérielle quant à la date de l'infraction et que l'argumentation relative à l'atteinte à la séparation des autorités de poursuite et de jugement était inopérante au cas considéré.

La cour d'appel de Versailles a rejeté cette demande, retenant que la cour d'appel ne s'était pas prononcée sur le fond et n'avait pas préjugé de la culpabilité du prévenu et qu'il convenait, dans le souci d'une bonne administration de la justice, d'assurer le jugement du prévenu dans un délai raisonnable.

La Cour de cassation approuve cette décision par un arrêt du 21 juin 2023 (pourvoi n° 22-84.384).

La chambre criminelle indique qu'il résulte des dispositions de l'article 148-1 du code de procédure pénale que les mêmes juges peuvent être appelés à statuer sur la demande de mise en liberté d'un prévenu qui a relevé appel d'un jugement qui l'a placé ou maintenu en détention, avant de le juger en appel. Cette situation n'est pas contraire à l'exigence d'impartialité énoncée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui interdit que les juges appelés à prononcer sur la culpabilité d'un accusé ou d'un prévenu aient auparavant pris position sur celle-ci.
En effet, la cour d'appel qui statue sur une demande de mise en liberté déposée dans ces circonstances se détermine au regard des seuls critères énoncés par l'article 144 du code de procédure pénale, sans avoir à se référer aux indices ou aux charges relevés contre l'intéressé, qui ont été appréciés par la décision de condamnation prononcée par le tribunal correctionnel.

En l'espèce, les deux juges qui ont statué sur sa demande de mise en liberté n'ayant pas, à cette occasion, manifesté une opinion sur la culpabilité du demandeur, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté sa demande de renvoi.